jeudi 10 mars 2022

L'indépendance des fédérations sportives

A l’instar de nombreuses disciplines olympiques, les sports de glace cherchent régulièrement à se médiatiser pour accompagner leur développement. Pas sûr toutefois que le coup de projecteur porté sur la Fédération Française des Sports de Glace (FFSG) au mois de janvier 2020 ait atteint cet objectif. Pour mémoire, il faut rappeler que, suite à la révélation d’infractions sexuelles commises par un entraîneur sur une patineuse artistique de niveau international, le président de cette fédération avait été contraint à la démission. Retombé dans un relatif anonymat, l’ancien président de cette fédération vient toutefois d’obtenir une décision juridictionnelle qui mérite de s’y attarder (Tribunal Administratif Paris, 14 janvier 2022, n° 2008096).


Pour comprendre la portée de cette décision, un rapide rappel de l’organisation du sport en France est nécessaire. Organisées sous formes d’associations, les fédérations sportives peuvent être agréées par l’Etat afin de participer « à la mise en oeuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives » (article L 131-9 du Code du Sport). Ensuite, dans chaque discipline sportive, une seule fédération agréée peut recevoir une délégation de la part de l’Etat afin notamment d’organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. 


Suite à la révélation des infractions commises dans le milieu du patinage artistique, la Ministre des Sports avait explicitement reproché à la FFSG et à ses dirigeants le silence entourant ces faits et l’absence de réactions. Pour contraindre le président à démissionner, qui bénéficiait pourtant du soutien des instances de sa fédération, la Ministre des Sports avait explicitement indiqué que, si cette démission n’intervenait pas, l’Etat pourrait retirer son agrément à la FFSG. La ministre avait notamment déclaré dans une interview du 5 février 2020 que le fait d’« entamer cette procédure de retrait de délégation, c’est aussi contrer ce comportement. S’il (le président de la fédération) a envie de rester à la tête de cette association qu’est aujourd’hui la fédération des sports de glace, qu’il le fasse, mais ce ne sera plus la future fédération des sports de glace ».


Contraint à la démission par cette pression ministérielle et médiatique, le président a ensuite engagé une procédure visant à faire reconnaître la responsabilité de l’Etat et à obtenir l’indemnisation du préjudice qu’il estimait avoir subi..

Avec le jugement rendu récemment, le Tribunal Administratif de Paris confirme que, dans le cadre de sa tutelle sur les fédérations sportives, l’Etat peut exercer un certain contrôle. Il a néanmoins rappelé l’indépendance dont bénéficient les fédérations sportives puisqu’il appartenait aux seules instances fédérales d’agir conformément à leurs statuts pour, le cas échéant, procéder à un changement de président. 


Le Tribunal a ainsi rappelé que « en précisant publiquement, en des termes non équivoques, que le retrait de l’agrément ou de la délégation de la fédération était lié au départ (du requérant) de son poste de président, la ministre a exercé une pression qui doit être regardée, en l’espèce, comme ayant conduit, de façon décisive, à sa démission. En l’espèce, eu égard aux conséquences majeures qu’emporte le retrait d’un agrément ou d’une délégation pour une fédération sur le plan financier ainsi que pour l’organisation des compétitions, le conseil fédéral de la fédération a été privé de la possibilité de se prononcer librement sur le maintien ou la révocation de l’intéressé, alors qu’il lui appartenait seul de se prononcer sur ce point ».


La responsabilité de la Ministre est ainsi reconnue, l’Etat étant tenu d’indemniser le préjudice moral de cet ancien président de la FFSG. La juridiction administrative a surtout rappelé un principe fort, celui de l’indépendance des fédérations sportives, puisque, au final, le montant des dommages-intérêts alloué à cet ancien président est très nettement inférieur à ceux réclamés.


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