lundi 14 janvier 2013

Un véritable parcours du combattant...


... C'est ce qui attend un ressortissant étranger souffrant d'importants problèmes de santé qui veut solliciter un titre de séjour pour se faire soigner.

En effet, à l'heure où quelques acteurs français souhaitent, pour des raisons très contestables, quitter la France, il m'a semblé opportun de s'intéresser à ceux qui, au contraire, trouvent qu'il fait bon vivre en France, ou, en tous cas, qu'on y est mieux que dans les pays qu'ils ont connus.

Je veux évidemment parler de ces étrangers qui, pour demeurer régulièrement en France, se retrouvent souvent confrontés à un long parcours du combattant.

J'interviens souvent pour des "sans-papiers", c'est-à-dire des ressortissants étrangers, membres de l'Union Européenne ou non, qui séjournent en France sans que leur situation administrative ne soit régulière.

Parmi ceux-ci figurent notamment plusieurs ressortissants non communautaires qui, selon les termes généralement retenus par les arrêtés préfectoraux les concernant ont "formulé une demande de titre de séjour au regard de leur état de santé".

Je suis alors amené à les rencontrer après que le Préfet, représentant de l'Etat dans le département compétent pour délivrer les titres de séjour, ait rejeté leurs demandes en l'assortissant le plus souvent d'une obligation de quitter le territoire.

En effet, l'article 313-11 11° du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (Ceseda) prévoit les conditions de délivrance d'un tel titre de séjour, ce dernier étant alors une carte de séjour temporaire d'une durée n'excédant pas un an.

L'idée à l'origine de ce texte est sans aucun doute généreuse : permettre à un étranger, dont l'état de santé nécessite un suivi médical, de séjourner régulièrement en France pour tenter, autant que faire se peut, de se guérir et / ou de voir sa pathologie traiter dans les meilleures conditions possibles.

Cette générosité se retrouve d'ailleurs dans le fait qu'il s'agit d'une délivrance de titre de séjour de plein droit, c'est-à-dire que, à partir du moment où les conditions sont remplies, le Préfet ne dispose plus de pouvoir d'appréciation et est alors tenu de délivrer ce titre de séjour.

Sauf que...

Sauf que la lecture de cette loi montre que les conditions sont très assez difficiles à remplir et, plus encore, à démontrer dans le cadre d'un éventuel contentieux juridictionnel.

Parmi ces conditions, qui sont cumulatives, deux d'entre elles posent particulièrement des problèmes dans la constitution du dossier.

Tel est le cas pour le défaut de soins qui, pour être pris en compte, doit entraîner "des conséquences d'une exceptionnelle gravité", appréciation émise par un Médecin de l'Agence Régionale de Santé.

Ce dernier se prononce sur un dossier transmis par un médecin agréé par la Préfecture qui a, lui, examiné, voire suivi régulièrement, le ressortissant étranger.

La question est bien évidemment de déterminer ce que sont des "conséquences d'une exceptionnelle gravité".

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les tribunaux en ont souvent parfois une appréciation très restrictive.

Pour preuve, cet arrêt de la Cour Administrative de Marseille du 17 juillet 2012 évoqué par mes confrères sur leur blog, où il est considéré qu'une éventuelle amputation ne peut être considérée comme un risque d'une exceptionnelle gravité !

Même si toutes les juridictions ne sont pas aussi radicales dans leur appréciation, ça donne une petite idée des difficultés rencontrées...

Et ce n'est pas tout parce que, en plus, il faut démontrer que le traitement médical nécessité par l'état de santé du ressortissant étranger malade n'existe pas dans son pays d'origine.

Sous l'empire de la précédente loi (pourtant déjà très stricte), il "suffisait" de démontrer que le traitement n'était pas disponible dans le pays d'origine, ce qui rendait possible des débats devant les juridictions concernées, notamment en ce qui concernait le coût de ces traitements et la nature des structures sanitaires du pays concerné.

Après de nombreuses tentatives, le Conseil d'Etat avait fini par prendre en compte un critère économique afin de considérer que le traitement devait être effectivement disponible et accessible dans le pays d'origine (Conseil d'Etat, 7 avril 2010, n° 301640 et n° 316625).

Las...

Estimant sans doute que cette interprétation était trop "favorable", le précédent gouvernement a fait modifier la loi en vigueur par la loi du 16 juin 2011.

Désormais, l'article L 313-11 du Ceseda prévoit qu'un tel titre de séjour est délivré "sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire".

Interprété strictement, ce texte signifie qu'il suffirait que, dans une seule structure du pays d'origine (souvent dans la capitale), le traitement existe, quand bien même son coût serait extrêmement élevé et son accès très strictement réservé à une infime partie de la population locale pour considérer que cette condition n'est pas remplie.

Là aussi, on imagine aisément la difficulté pour prouver devant une juridiction l'absence de traitement dans le pays d'origine.... (j'aurai sans doute l'occasion d'évoquer dans un autre billet la question de la charge de la preuve !)

De manière quasi-exclusive, je ne suis amené à intervenir que pour des personnes confrontées à une décision refusant de leur accorder le séjour en France.

Même en évoquant ces sujets avec des confrères intervenant également dans cette matière, il m'est donc  difficile d'estimer le nombre de personnes que cela peut concerner.

Le chiffre annuel de 30.000 titres de séjour pour "étrangers malades" a déjà été avancé.

Je ne sais s'il est exact.

Ce que je sais en revanche, c'est qu'on est loin de la détestable (et, espérons-le, bientôt oubliée) expression "d'immigration subie" !



1 commentaire:

  1. Bravo pour ce billet qui explique sans interprétation et clairement l'une des façons par lesquelles la France est devenue de moins en moins le pays "accueillant toute la misère du monde"...
    Philippe

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